La programmation artistique de La cuisine / 2019-2020-2021

Réconciliation

Réconciliation

Depuis septembre 2019, une nouvelle programmation triennale a été lancée : « Réconciliation »

Nous connaissons l’enjeux de la relation de La cuisine avec son territoire, ses habitants et c’est bien la demande de la prise en compte du contexte et les questions liées à l’alimentation, la nourriture et la cuisine qui en font sa singularité.

Cette année la question du dérèglement climatique s’est imposée à nous. La nature s’invite sur scène, dans nos débats et nous avons fait le choix de l’accueillir. Dans un article intitulé « Enrichir notre sensibilité au vivant par l’art » Estelle Zhong pose cette question : « Que peut l’art face à la crise écologique systémique contemporaine ? » Elle poursuit : « Cette question peut sembler incongrue, presque hors de propos : à quel titre demander à l’art de jouer un rôle dans une situation qui apparaît d’abord d’ordre politique, économique ou militant ? Et comment penser que l’art puisse avoir une effectivité sur cette crise qui se déploie à de si grandes échelles et recouvre tant d’enjeux différents ?
Notre hypothèse est la suivante : la crise écologique est à comprendre d’abord comme une crise de la sensibilité ; et pour cette raison, l’art peut y jouer un rôle décisif d’enrichissement et de transformation de notre relation à la nature et au vivant. »

Alors aujourd’hui la question se pose de la réconciliation entre nature et culture, comment nous humain, artistes, designers, architectes, habitants, personnes, allons-nous reconstruire notre relation au vivant, quelles alliances créer avec, les sols, la terre, les plantes, les arbres, les vivants, les nonhumains pour ne plus être dans une relation d’exploitation mais de collaborations et d’échanges ?
À l’échelle macro, l’art peut-il nous aider à réconcilier le centre d’art et de design, totem de la modernité, à son environnement ?
Aujourd’hui nous souhaitons créer à Nègrepelisse un terrain d’expérimentation à la réconciliation. Dans un triple geste nous questionnerons les enjeux liés à la crise climatique et à la relation de La cuisine sur son territoire par des invitations données à des artistes, chercheurs, agriculteurs, cuisiniers, associations locales, designers et étudiants.

« Redessiner les villes à partir de nos cuisines : une telle proposition peut sembler extrêmement triviale et même vulgaire. Pourtant, la cuisine est le lieu où nous montrons que la ville n’est pas seulement un ensemble d’humains. Comme l’ont montré William Cronon et Carolyn Steele, du point de vue de la cuisine, la ville a des frontières différentes de ce que nous imaginons : tous les nonhumains que nous excluons habituellement doivent en faire partie. Sans blé, maïs ou riz, sans pommiers, porcs, vaches, agneaux, les villes humaines sont impossibles. Ce sont principalement les non-humains qui rendent nos villes habitables. Il est temps de donner à chacun d’eux la citoyenneté. Libérer la maison du patriarcat et de l’architecture, c’est aussi commencer à penser que la ville n’est pas la maison des hommes. Nous sommes habitués à imaginer que puisque tous les non-humains ont un foyer loin de la ville, dans des espaces "sauvages", les villes sont l’espace légitime pour l’établissement humain. Nous oublions donc que toute ville est le résultat de la colonisation d’un espace occupé par d’autres êtres vivants et d’un génocide conséquent qui a forcé d’autres espèces (à quelques rares exceptions près, les chiens, les chats, les souris et certaines plantes ornementales) à s’installer ailleurs. Une cuisine est, après tout, le trou noir de nos maisons, le lieu où leur essence monastique se renverse en espaces de mélange : les frontières entre les choses et les gens sont suspendues et l’opposition entre les humains et les non-humains est renversée en une fusion festive. Il sera toujours impossible d’être un moine dans une cuisine. Considérer la maison et la ville comme de grandes cuisines signifie renverser la relation patriarcale et patriarcale en un espace de soins et pas seulement sous forme de nourriture. L’acte de cuisiner n’est que la forme de base de l’acte de soin : la forme sous laquelle il est impossible de séparer le soin de soi-même de celui des autres. La maison n’est que l’endroit où l’on prend soin de quelque chose et de quelqu’un. »
Emanuele Coccia

Since September 2019, a new triennial program has been launched : "Reconciliation".

We know what is at stake in La cuisine’s relationship with its territory, its inhabitants, and it is indeed the demand to take into account the context and the issues related to food, food and cooking that make it unique.

This year the question of climate change has come to the fore. Nature invites itself on stage, in our debates, and we have chosen to welcome it. In an article entitled "Enrichir notre sensibilité au vivant par l’art" Estelle Zhong asks this question : "What can art do in the face of the contemporary systemic ecological crisis ? "She continues : "This question may seem incongruous, almost irrelevant : on what grounds can we ask art to play a role in a situation that appears to be primarily political, economic or militant ? And how can we think that art can be effective in this crisis, which is unfolding on such a large scale and covers so many different issues ?
Our hypothesis is the following : the ecological crisis is to be understood first and foremost as a crisis of sensibility ; and for this reason, art can play a decisive role in enriching and transforming our relationship with nature and the living. »
So today the question arises of the reconciliation between nature and culture, how we humans, artists, designers, architects, inhabitants, people, are going to rebuild our relationship with the living, what alliances to create with, the soil, the earth, plants, trees, the living, nonhumans to no longer be in a relationship of exploitation but of collaboration and exchange ?
On a macro scale, can art help us to reconcile the art and design centre, the totem of modernity, with its environment ?
Today we wish to create in Nègrepelisse a field of experimentation for reconciliation. In a triple gesture, we will question the stakes linked to the climate crisis and the relationship of La cuisine on its territory through invitations given to artists, researchers, farmers, cooks, local associations, designers and students.

"To redesign cities from our kitchens : such a proposal might sound extremely trivial and even vulgar. Yet the kitchen is the place where we show that the city is not just a collection of humans. As William Cronon and Carolyn Steele have shown, from the point of view of cuisine the city has different boundaries than we imagine : all the non-humans we usually exclude must be part of it. Without wheat, corn or rice plants, apple trees, pigs, cows, lambs, human cities are impossible. It is mainly the non-humans who make our cities habitable. It is time to give each of them citizenship. Freeing the home from patriarchy and architecture also means beginning to think that the city is not the home of men. We are used to imagining that since all non-humans have a home away from the city, in ’wild’ spaces, cities are the legitimate space for human settlement. So we forget that every city is the result of colonization of a space occupied by other living beings and a consequent genocide that forced other species (apart from a few rare exceptions, dogs, cats, mice, and some ornamental plants) to move elsewhere. A kitchen is, after all, the black hole of our homes, the place where their monastic essence is overturned into spaces of mixing : the frontiers between things and people are suspended and the opposition between humans and non-humans is overturned into festive fusion. It will be always impossible to be a monk in a kitchen. Considering the house and the city as if they were great kitchens means overturning the patriarchal and atriarchal relationship into a space of care and not just under the form of nourishment. The act of cooking is just the basic form of the act of care : the form in which it is impossible to separate the care of oneself from that of others. Home is only where there is care for something and someone. »
Emanuele Coccia